Le 22 mai 2025, l’équipe de l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix a participé à une table-ronde de haut niveau qui portait sur l’avenir du maintien de la paix. Cet événement s’est tenu au ministère des Outre-Mer à Paris et se déroulait notamment dans le cadre de la Formation des formateurs des Nations unies qui s’est déroulée à Paris du 10 au 23 mai et qui a réuni une trentaine d’officiers francophones de 27 nationalités.
Cette initiative de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a été organisée en coopération avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère des Armées et le ministère de l’Intérieur de la France.
Nicolas Guinard, Directeur des affaires politique et de la gouvernance démocratique de l’OIF a introduit la table ronde, en rappelant que le maintien de la paix onusien se trouve à un tournant à plusieurs niveaux et en soulignant la montée en puissances des organisations régionales et sous-régionales notamment dans le cadre de la résolution 2719 de décembre 2023 (S/RES/2719).
Le panel de discussion, modéré par Alexis Berthier, sous-directeur des affaires politiques à la Direction des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l’Homme et de la francophonie du ministère français de l’Europe et des affaires étrangères, sous forme de dialogue interactif était structuré comme tel :
- El-Ghassim Wane, ancien Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Mali et co-auteur de l’étude « L’avenir du maintien de la paix, nouveaux modèles et capacités connexes » (2024).
- Général de brigade Guillaume Ponchin, représentant français au sein du Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu au Liban, ancien chef d’état-major de la Force de la MINUSMA.
- Alain Leroy, ancien Secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU
- Professeur Michel Liégeois, Professeur de Relations internationales à l’Université catholique de Louvain (UCL) et président de l’Institut de Sciences politiques (ISPOLE)
Alexis Berthier a entamé la discussion avec les différents panélistes en mettant en avant le fait qu’il s’agissait pour le maintien de la paix d’un moment important et opportun à plusieurs titres. Les défis sont nombreux sur le terrain comme au sein du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) mais la « famille du maintien de la paix » continue de soutenir cet outil essentiel pour la paix et la sécurité, comme cela s’est vu récemment à Berlin lors de la dernière conférence ministérielle sur le maintien de la paix.
L’invité d’honneur de cette table ronde, El-Ghassim Wane, qui a été chef de la mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA entre mars 2021 et son départ en mars 2023 a partagé son expérience de terrain mais a surtout évoqué les conclusions principales de son étude « L’avenir du maintien de la paix, nouveaux modèles et capacités connexes » qui a été rédigée à la demande du Département des opérations de paix (DOP) de l’ONU en amont de la Ministérielle de Berlin afin de réfléchir à de nouvelles modalités de déploiement et d’action pour le maintien de la paix onusien. Afin de réfléchir à de nouveaux modèles les auteurs se sont d’abord penchés sur l’histoire du maintien de la paix et les leçons apprises depuis plus de 75 ans. Plusieurs conclusions de l’étude ont été soulignées par M. Wane, notamment le fait que le maintien de la paix est capable de s’adapter aux évolutions du contexte et il a déjà su le faire par le passé. Également il a trouvé important de souligner que le maintien de la paix a des résultats tangibles et positifs la plupart du temps, évoquant les exemples du Libéria et de la Côte d’Ivoire. Néanmoins il a insisté sur le fait que le maintien de la paix n’est pas une baguette magique et qu’il ne fonctionne que si l’État hôte et les parties au conflit coopèrent mais aussi qu’il s’agit d’un outil fondamentalement politique et qu’à ce titre le soutien du CSNU est essentiel. M. Wane a conclu sa présentation en disant que les modèles présentés dans l’étude ne sont pas vraiment de nouveaux modèles puisque « l’avenir du maintien de la paix réside dans son passé ».
Ensuite, le Général Guillaume Ponchin s’est appuyé sur son expérience de terrain et a souligné l’importance du contexte pour les opérations de maintien de la paix (OMP), notamment avec les nouvelles menaces qui existe aujourd’hui, citant par exemple la désinformation et l’impact du changement climatique. Une approche modulaire telle que décrite dans l’étude de M. Wane, avec une boîte à outils regroupant différentes options à disposition du CSNU afin d’adapter le maintien de la paix à toutes les situations et au contexte évolutif ne lui semble pas être la solution la plus idéale mais qu’il est important de passer par cette étape afin de comprendre ce dont l’ONU a besoin.
Alain Leroy est intervenu par la suite et s’est penché sur les conditions d’une adaptation du maintien de la paix aux défis actuels. Il a rappelé que les OMP sont certes imparfaites mais qu’elles restent irremplaçables à l’heure actuelle, soulignant lui aussi les nombreux succès réalisés par les missions onusiennes depuis plusieurs décennies. Il a notamment évoqué la mission de l’ONU au Liban, la FINUL, qui a joué un rôle majeur pour aider à l’établissement de solutions politiques.
Le Professeur Michel Liégeois, dernier à s’exprimer, est revenu sur certaines des conclusions de sa note « L’ONU et le maintien de la paix : défis et prospective », publiée en avril dernier. Il a notamment évoqué la question de la réforme du CSNU, qui existe depuis longtemps, en expliquant qu’en réalité tout le monde est d’accord pour faire une réforme mais qu’il n’y a pas de consensus sur la manière de la réaliser. Il rappelle qu’il est difficile de dire pourquoi les OMP sont utiles, elles apportent des choses sans être parfaites, le souci étant la gestion des attentes notamment de la population locale. Le Professeur a également évoqué l’enjeu de la régionalisation du maintien de la paix, ce qui n’est pas non plus un nouveau débat, et qui pourrait possiblement prendre le relai d’une certaine manière.
Enfin, le public de l’événement a été invité à prendre la parole à son tour pour poser des questions à l’ensemble des intervenants. Cela a permis d’aborder des sujets essentiels tels que la désinformation et ses impacts sur le contexte opérationnels des OMP mais aussi l’enjeu du retrait des missions et de la temporalité des transitions après leur départ.