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Signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington

Le 27 juin à Washington, sous les auspices des États-Unis, la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé un accord de paix visant à mettre fin au conflit entre les deux États. « C’est un moment important après trente ans de guerre », a déclaré le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, lors d’une cérémonie aux côtés de ses homologues congolais, Thérèse Kayikwamba Wagner et rwandais, Olivier Nduhungirehe.

L’accord prévoit des dispositions sur « le désengagement, le désarmement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques » au sein des Forces armées congolaises (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC), un « mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité », ainsi qu’une emphase sur « le respect de l’intégrité territoriale et l’arrêt des hostilités ». Ce dernier point est crucial pour la délégation congolaise, qui a dénoncé les crimes de guerre du M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda selon un rapport de l’ONU. En début d’année, le groupe a mené une offensive de grande envergure qui lui a permis de s’emparer de grandes villes comme Goma et Bukavu à l’est de la RDC, causant des milliers de morts et de déplacés.

« Le Rwanda vient de signer (…) un accord dans lequel il s’engage à retirer, sans conditions préalables, toutes ses troupes du territoire de la RDC. Nous espérons que cette fois, les États-Unis sauront imposer au Rwanda des sanctions à la mesure de ses forfaitures, en cas de récidive », a annoncé le chargé d’affaires congolais Hippolyte Mfulu. M. Nduhungirehe a quant à lui déclaré que l’accord est « fondé sur l’engagement pris ici de mettre fin de manière irréversible et vérifiable au soutien de l’État [congolais] aux FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] ».

Peu de détails ont été livrés sur le volet économique de l’accord de paix, néanmoins la déclaration de principe signée le 25 avril prévoit un accord minier entre la RDC et les États-Unis, annonçant que le gouvernement congolais et le secteur privé américain « engageront des investissements conséquents ou les étendront » afin de « transformer l’économie régionale au profit de tous les pays participants ».

Durant la cérémonie, la diplomatie congolaise a exprimé sa « sincère gratitude » à l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani. En effet, depuis le mois de mars, ce pays du golfe joue le rôle de médiateur entre le gouvernement congolais et le M23, via le « processus de Doha ». L’un des principaux enjeux était l’obtention d’un cessez-le-feu ainsi que le retrait du groupe armé de certaines zones de l’est du pays. Cependant, les négociations semblent encore loin de porter leurs fruits, n’ayant pour l’instant abouti qu’à la formulation d’un « engagement à œuvrer en faveur d’une trêve ». Malgré la signature de plusieurs cessez-le-feu, les combats sont toujours en cours au Kivu.

La Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) a également été évoquée, mais les opinions sur son rôle divergent. Kinshasa appelle à une relance du plan de retrait progressif de la mission onusienne, qui avait été suspendu face à la dégradation de la situation sécuritaire. « Nous exhortons le Conseil à bien vouloir renforcer la MONUSCO pour une délivrance optimale d’un mandat supplémentaire », a toutefois indiqué M. Mfulu. À l’inverse, Kigali invite la Mission à « baisser le ton, à renoncer aux attaques publiques, et à se concentrer sur l’appui aux initiatives diplomatiques fragiles mais crédibles ». L’ambassadeur du Rwanda, Martin Ngoga, a néanmoins salué la récente rencontre entre Mme Keïta et les chefs de l’AFC/M23 à Goma. António Guterres, le Secrétaire général des Nations unies, a exhorté les parties à respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de paix, et a rappelé que l’ONU était pleinement engagée à soutenir la mise en œuvre de l’accord par l’intermédiaire de la MONUSCO.

Si cet accord de paix semble incarner une avancée significative dans les relations entre le Rwanda et la RDC, sa viabilité sur le long terme reste incertaine. Ce conflit reste particulièrement complexe, notamment en raison de la multiplicité des acteurs impliqués, tant étatiques que non-étatiques. La seule implication des États ne sauraient donc suffire, comme le souligne l’édito de notre lettre d’information du mois de mai. Il est à ce stade peu probable que l’accord suffise à apaiser pleinement la situation sécuritaire, les acteurs non-étatiques, en premier lieu le M23, n’ayant pas participé à ces négociations.

La division des négociations entre Doha et Washington pourrait se révéler être un obstacle car la multiplication des processus de médiation crée une arborescence qui complexifie les pourparlers. En outre, à la suite du premier volet des négociations à Doha, selon le groupe d’experts de l’ONU, « l’AFC/M23 n’a pas fait preuve d’un véritable engagement en faveur d’un règlement négocié de la crise », témoignant de la difficulté d’obtenir une paix durable. En parallèle, l’accord repose sur un principe de simultanéité du retrait rwandais et de la neutralisation des FDLR par les forces congolaises. Or, celui-ci risque d’être difficile à respecter, les FDLR se trouvant au Nord-Kivu, sous contrôle du M23 et donc hors de portée des FARDC.

Pour les opposants du président congolais Tshisekedi, l’accord de Washington est de nature transactionnelle et ne garantira pas la paix sur le long terme. Denis Mukwege remarque que les civils sont peu considérés durant les négociations et rappelle l’importance d’une prise en charge des victimes dans le cadre du processus de paix. Il ajoute que « diverses dispositions de cet accord montrent que les graines de la prolongation du conflit sont déjà plantées », les causes profondes du conflit n’étant pas abordées selon lui.

Après la signature de l’accord de Washington, à la fin du mois de juillet, les FAR et FARDC réaliseront une intervention conjointe ayant pour but la neutralisation des FDLR dans un délai de trois mois. L’une des mesures phares de l’accord, un cadre d’intégration économique régional portant sur les minerais et terres rares du sol congolais, doit également être introduite. Les délégations représentant la RDC et le M23 se sont de nouveau réunies à Doha le 9 juillet afin de poursuivre les négociations.

 

 

 

Rédaction : Chloé Bemba et Lancelot Lhomme, assistants de recherche au GRIP et à l’OBG

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