AccueilBreveAvec l’initiative UN80, les Nations unies envisagent une réforme structurelle majeure pour...

Avec l’initiative UN80, les Nations unies envisagent une réforme structurelle majeure pour faire face aux contraintes budgétaires

Le 12 mai, au cours d’un briefing auprès de l’Assemblée générale, le Secrétaire général des Nations unies António Guterres a présenté l’initiative UN80, un plan de réforme structurel qui pourrait radicalement changer l’architecture onusienne du maintien de la paix.

La fuite d’un mémo interne détaillant des suggestions de fusions et restructurations d’un grand nombre de départements, agences et bureaux de l’ONU, met au jour le projet dans toute sa radicalité. La proposition centrale est de regrouper des dizaines d’agences en quatre départements principaux : paix et sécurité, affaires humanitaires, développement durable et droits de l’Homme. À cela s’ajouteraient des relocalisations dans des villes moins coûteuses que Genève et New-York, notamment Nairobi. Les objectifs de l’initiative, présentés dans le mémo, incluent la lutte contre la fragmentation et le chevauchement des mandats, la modernisation des méthodes de travail, l’amélioration de l’efficacité de l’organisation et sa re-légitimation.

En ce qui concerne le maintien de la paix, les options envisagées incluent :

  • La création d’un département des Nations unies pour la paix et la sécurité, chargé de gérer l’engagement politique, la paix et la consolidation de la paix au niveau mondial, qui regrouperait le département des Affaires politiques et consolidation de la paix (DPPA), le département du support opérationnel (DOS), le département des Opérations de maintien de la paix (DOP), ainsi que les bureaux et agences chargés du désarmement, de la lutte contre la drogue et du contre-terrorisme ;
  • La création d’un département unique des affaires politiques et des opérations de paix en fusionnant le DPPA et le DOP, dirigé par un seul secrétaire général adjoint ;
  • La restructuration complète du DOP et du DPPA, en consolidant davantage leurs divisions régionales et leurs divisions politiques afin d’éliminer les redondances, d’améliorer la coordination et de renforcer la pertinence des politiques.

Ce projet de réforme aurait donc nécessairement un impact sur les opérations de paix. Selon Guterres, la fusion du DOP et du DPPA permettrait d’éliminer jusqu’à 20% des postes de ces deux départements. En effet, la question des économies est au centre de l’initiative, ce qui passe aussi par la réduction des effectifs. Pour le professeur de droit public international Javier Surasky, l’initiative UN80 n’est pas une réforme visant à rendre l’ONU plus efficace, mais avant tout une stratégie de survie face à des restrictions budgétaires importantes.

L’ONU fait face à une grave crise des liquidités : nombre d’États membres ne paient pas leurs contributions à temps ou ne versent pas l’intégralité de sommes dues, notamment les États-Unis, et plus récemment la Chine. L’organisation est confrontée à un déficit de trésorerie potentiel de 1,1 milliard USD en fin d’année et pourrait être insolvable d’ici septembre 2025.

La situation financière de l’ONU est précaire depuis des années, mais l’avenir s’annonce particulièrement complexe. Les États-Unis, qui participent au budget total de 5,6 milliards USD du maintien de la paix de l’ONU à la hauteur de 27 %, envisagent de diminuer de 50% le budget du département d’État, responsable des contributions américaines aux organisations internationales. Cela impliquerait donc une diminution drastique, voire une suppression totale de la contribution américaine au budget des Nations unies.

Si l’idée d’une réforme structurelle de l’organisation n’est pas nouvelle, cette initiative radicale s’explique donc plus par les contraintes imposées au Secrétaire général que par une soudaine ambition réformatrice de sa part, qui plus est à l’orée de la fin de son 2nd mandat. L’agenda politique et économique des États-Unis bouleverse ainsi directement celui des Nations unies, même si cette crise financière couvait depuis plusieurs mois.

Ces nouveaux développements suscitent l’inquiétude parmi les experts et observateurs académiques. Stephanie Hodge, spécialiste partenariat des Nations unies, s’inquiète des discussions autour des réductions des effectifs, qui, selon elle, mènent à l’affaiblissement de l’expertise qui donne sa valeur au système des Nations unies.

Surasky, quant à lui, considère que les propositions de UN80 ne feraient qu’augmenter les problèmes de coordination et les coûts administratifs, tout en sapant l’efficacité des processus de l’ONU. Pour lui, une diminution du budget résulterait nécessairement en l’affaiblissement de l’organisation, et mènerait à des crises sans précédent. L’initiative UN80 prend le risque de vider l’organisation de sa substance, remettant en cause son rôle central dans le système mondial.

 

 

Rédaction : Lancelot Lhomme, assistant de recherche au GRIP et à l’OBG. 

- Advertisement -

Dernières brèves

La présidence française du Conseil de sécurité des Nations unies : focus sur la protection des humanitaires et du personnel de l’ONU

Succédant au Danemark, la France assure la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) durant le mois d’avril 2025. Le CSNU possède...

La SADC met fin à sa mission militaire en RDC

Le 13 mars dernier, les États membres de la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community – SADC) ont décidé dans un...

Au Mali, la situation sécuritaire reste problématique, notamment pour les enfants victimes de violations en augmentation

Au Mali, toute les parties impliquées dans le conflits sont responsables de graves violations et de niveaux de violence élevés à l’encontre des enfants,...
Quitter la version mobile