La doctrine du maintien de la paix du Secrétariat général a toujours été sans équivoque : les Opérations de paix (OP) sont déployées en premier lieu pour favoriser la constitution d’un espace stable propice à la recherche d’une solution politique nationale. Cette doctrine est une constante qui figure dans les rapports qui ont jalonné les évolutions du maintien de la paix dès 1992 avec l’Agenda pour la paix, puis ultérieurement le rapport Brahimi (2000), la « doctrine Capstone » (2008) et le rapport HIPPO (2015). Si cette primauté du politique doit être constamment rappelée dans les orientations générales du Secrétariat, c’est que dans les faits les évolutions contemporaines du maintien de la paix ont pu être interprétées comme un dévoiement à cette primauté. Selon la doctrine Capstone, les OP se doivent de « créer un milieu sûr et stable tout en cherchant à restaurer la capacité de l’État à maintenir la sécurité dans le respect de l’État de droit et des droits de l’homme ; faciliter le processus politique en promouvant le dialogue et la réconciliation et en appuyant la création d’institutions de gouvernance légitimes et efficaces ; et servir de cadre pour assurer que les Nations unies et d’autres acteurs internationaux mènent leurs activités dans le pays de façon cohérente et coordonnée ». En pratique, cette définition tend à détourner les OP de l’objectif prioritaire que constitue la recherche d’une solution politique, en particulier lorsqu’elle se corrèle à une dégradation continue du contexte sécuritaire, à de l’instabilité politique, ou au retour en force d’une rhétorique populaire axée autour du principe de néo-souveraineté.
Ce constat conduit l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix à revenir sur cette considération essentielle que constitue la primauté qui doit être accordée aux solutions politiques dans les OP. Cette note, réalisée par Bertrand Ollivier, se base sur un entretien cadre réalisé le 27 juillet avec Son Excellence Monsieur l’ambassadeur Saïd Djinnit, diplomate algérien, ancien Commissaire Paix et sécurité au sein de l’Organisation de l’Union africaine et ancien Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, ainsi que divers entretiens et ressources annexes.
Elle ambitionne de revenir sur la situation des processus de paix en cours dans les pays hôtes des principales OP en espace francophone, où les processus de paix connaissent des phases d’essoufflement qui nuisent aux fondamentaux du maintien de la paix et à la légitimité des OP déployées. Cette note contribue ainsi aux réflexions menées sur l’urgence d’un renouvellement de l’approche militaire et d’un rééquilibrage en faveur des leviers politiques des mandats dans les OP.
Cette note a été réalisée avec le soutien du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) de la Confédération Suisse.
Bertrand Ollivier est chercheur affilié au Centre Thucydide de l'Université Paris II Panthéon-Assas. Depuis 2018, Il a travaillé en qualité d’analyste pour la MINUSMA et de chercheur pour le bureau régional d’Afrique de l’Ouest de l’ONUDC. En 2021, il a intégré l'Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix en tant que jeune chercheur associé sur les évolutions contemporaines du maintien de la paix. Ses recherches portent sur les dynamiques politiques et sociales au Sahel.