Table ronde du 4 octobre 2017 « Quel prérequis pour contribuer à la génération de force des opérations de paix de demain ? »
Mots d’accueil et introductif
Après le mot d’accueil de Mme Naomi N’Sa, Assistante de projet sur les thématiques de maintien de la paix et gouvernance démocratique à la Représentation de l’OIF auprès des Nations unies, qui a remercié au nom de l’OIF les participants et le GRIP pour l’organisation de la table ronde, les intervenants ont posé le cadre du débat, en soulignant les principaux enjeux de la participation francophone aux opérations de maintien de la paix (OMP).
Le processus de génération de force est l’un des premiers défis auxquels sont confrontés les pays désireux de contribuer aux OMP lorsqu’ils décident de déployer des Casques bleus. Les règles administratives, techniques et financières établies par l’ONU sont complexes, et peuvent constituer un obstacle à la bonne volonté des États qui aspirent à contribuer aux OMP.
Pour les pays francophones, le facteur de la langue complique davantage ce défi. Si le français demeure l’une des six langues officielles des Nations unies, les informations nécessaires à la compréhension de règles onusiennes sont rarement disponibles en langue française, et ce même lorsque les Casques bleus ou les Bérets bleus sont déployés dans un environnement francophone. Aussi, les contributions francophones aux opérations de maintien de la paix demeurent limitées, et ce malgré le fait que plus de la moitié du personnel onusien impliqué dans les OMP est déployé dans des pays francophones.
À ce propos, le Général Thierry Lion a tenu à souligner que les pays francophones sont très peu présents dans les outils et mécanismes de génération des forces onusiens. Leur participation aux OMP pourrait dès lors encore décroitre dans le futur. Pourtant, rappelle Thierry Lion, les opérations militaires onusiennes pourraient représenter une opportunité pour renforcer les appareils de défense de plusieurs pays africains francophones. Les procédures onusiennes devraient être plus accessibles et les documents administratifs devraient être systématiquement traduits en français. Le Général Lion a souhaité un débat franc sur ces thèmes lors de la table ronde.
Le Brigadier-général Martin Girard a abondé dans le sens de Thierry Lion, en soulignant combien le défi que constitue le processus de remboursement dans ce cadre est particulièrement crucial. Il a évoqué une anecdote pour illustrer ce point : lorsqu’il était déployé dans le cadre de la MINUSTAH, en Haïti, les réunions se tenaient uniquement en langue anglaise.
Sur cette même thématique S.E. Marc Pecsteen de Buytswerve a affirmé que les pays francophones devaient être soutenus plus activement dans le processus de génération de forces.
S.E. Amr Abdellatif Aboulatta a quant à lui rappelé l’effort de l’Égypte dans les OMP, ce pays étant le premier contributeur arabe, le troisième francophone et troisième africain. Dans ce contexte, il a souhaité que le dialogue triangulaire entre le Conseil de Sécurité, les pays contributeurs et le Secrétariat général de l’ONU soit renforcé, dans le but de mieux associer les pays contributeurs dans la gestion politique et militaire en amont des OMP.
Ce dernier point a été évoqué par d’autres intervenants à plusieurs reprises dans le cadre de la table ronde. Il apparait comme particulièrement sensible aux yeux des pays contributeurs francophones.
Les mots d’introduction susmentionnés ont été suivis par une présentation succincte du GRIP et de l’Observatoire par M. Michel Luntumbue, chargé de recherches au GRIP, coordinateur scientifique pour l’OBG. Michel Luntumbue a ainsi précédé l’allocution principale de la matinée, prononcée par S.E. Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint, chef du Département des opérations de maintien de la paix.
Allocution de S.E. jean-pierre lacroix, Secrétaire général adjoint, Département des opérations du maintien de la paix (DOMP)
Dans son allocution, le Secrétaire général adjoint S.E. Jean-Pierre Lacroix a exprimé la reconnaissance du Secrétariat envers les efforts et sacrifices consentis par les pays contributeurs au bénéfice du maintien de la paix. Il a en outre manifesté son intérêt et son soutien vis-à-vis de l’Observatoire Boutros-Ghali et de son effort visant à renforcer le rôle des pays francophones dans le cadre des OMP. Il a souligné combien les contributions francophones étaient essentielles au succès de celles-ci.
Jean-Pierre Lacroix a rappelé qu’environ 100 000 hommes et femmes sont aujourd’hui impliqués dans les OMP de par le monde, et a tenu à préciser que si certaines missions n’ont pas obtenu jusqu’à présent les résultats espérés, d’autres, en revanche, sont une franche réussite. Il a cité les cas du Libéria et du Liban à ce propos.
S.E. Lacroix s’est ensuite concentré sur les évolutions que les OMP ont connu au cours des années, tout en rappelant qu’il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais deux OMP identiques. Les Nations unies doivent donc faire preuve d’une grande capacité d’adaptation aux réalités politiques et sociales locales. Des réformes sont actuellement en cours de discussion, notamment dans le domaine procédural. Et à ce propos Lacroix a insisté sur le fait que les procédures onusiennes doivent être au service des États membres qui s’investissent dans les OMP des Nations unies, afin de faciliter cet investissement. Lacroix rappelle que pour le Secrétaire général Guterres, cette réforme des procédures, et surtout celles des OMP, est la priorité de son mandat.
Après avoir abordé la question des procédures, Jean-Pierre Lacroix s’est arrêté sur le rapport HIPPO, en soulignant combien ce document onusien fondamental est devenu, au fil du temps, consensuel parmi les États membres. Cela prouve que, malgré de multiples difficultés, l’ONU et ses États membres ont su converger vers des objectifs partagés et une vision commune du maintien de la paix. Il a rappelé ensuite quelles sont les priorités du rapport HIPPO, dont celle d’attribuer plus d’importance au processus politique qui doit accompagner une OMP et la nécessité de renforcer les partenariats, en faisant intervenir plusieurs acteurs à travers une coordination renforcée.
En ce qui concerne les partenariats, Lacroix a insisté tout particulièrement sur la nécessité de renforcer le dialogue triangulaire Secrétariat – Conseil de sécurité – pays contributeurs, mais aussi sur la nécessité de mieux coopérer avec l’Union africaine. Cette dernière est en effet considérée comme un partenaire stratégique de premier plan en matière de maintien de la paix.
S.E. Jean-Pierre Lacroix a conclu son intervention par une série d’observations sur plusieurs points :
- Il reconnait la complexité des procédures onusiennes et la nécessité de mieux les expliquer ;
- Il demande aux États membres de sélectionner plus de personnel féminin pour les OMP (ce point sera soulevé aussi par Atul Khare dans l’après-midi) ;
- Il insiste sur le concept d’« exemplarité » : l’ONU doit être très sévère vis-à-vis des abus sexuels mais aussi envers d’autres formes d’indisciplines qui peuvent se manifester dans le cadre des OMP ;
- Il évoque la nécessité de travailler sur ce qu’il appelle « l’état d’esprit des missions », notamment dans le cadre de la formation ;
- En matière d’équipement, il cite le cas de la mission au Mali comme un exemple du type de problèmes auquel les OMP font face, et demande à ce que les États membres soutiennent l’initiative égyptienne visant à fournir des véhicules blindés aux forces onusiennes ;
Enfin, il aborde la question du soutien médical, en soulignant l’existence de plusieurs problèmes, tels que ceux de la déployabilité, de la formation et de la communication.