Rumbidzaishe Matambo, « Responding to Climate Change in African Peace Operations: From Risk to Resilience », Accord, mai 2025.
Rumbidzaishe Matambo, « Responding to Climate Change in African Peace Operations: From Risk to Resilience », Accord, 2 mai 2025.
Dans cet article publié par Accord, Rumbidzaishe Matambo, chargée de programme, analyse l’importance de la mise en œuvre de mesures prenant en compte les conséquences du dérèglement climatique au sein des opérations de paix (OP) en Afrique et comment elles peuvent contribuer à rendre les opérations plus efficaces.
Il existe selon elle un lien intrinsèque entre conflits et catastrophes naturelles : les dérèglements climatiques déclenchent souvent des pics de violence, de migration et de besoins humanitaires. Les phénomènes extrêmes ralentissent le déploiement des missions et leur maintien, détruisent des infrastructures essentielles et accroissent les besoins des populations ce qui sursollicite les missions. Au Mozambique par exemple, les cyclones et inondations à répétition entravent le déploiement de l’aide humanitaire et des soldats de la paix à Cabo Delgado.
L’intégration des considérations climatiques dans la planification des missions reste à ce jour faible et il devient impératif de s’adapter rapidement afin de faire face à ces nouveaux défis. Bien que certaines missions effectuent des évaluations des risques climatiques, les outils et les formations demeurent insuffisants. De plus, les missions sont souvent mal équipées pour gérer les risques et les conflits liés au changement climatique.
Pour l’autrice, il devient impératif d’incorporer la dimension climatique dans les OP afin d’améliorer leur efficacité leur flexibilité et leur résilience. Les unités d’ingénierie et de logistique doivent s’équiper pour construire des infrastructures adaptées. Ainsi, la mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) a intégré les différents facteurs climatiques dans la planification de sa mission. L’analyse de risque et le savoir local doivent s’allier afin d’étudier efficacement les phénomènes météorologiques pouvant perturber les OP ou bien aggraver les différentes crises affectant les populations locales.
A l’échelle du continent, l’Union africaine (UA) a adopté la Position africaine commune sur le climat, la paix et la sécurité qui a pour but d’encourager la collaboration afin de mieux répondre aux menaces liées à la sécurité climatique. Cependant l’engagement reste faible à cause d’un manque d’expertise, des capacités institutionnelles et d’un manque de moyens. Afin de pallier ces faiblesses, une coopération accrue entre l’UA, l’ONU et les diverses communautés économiques régionales est préconisée.
Pour l’autrice, le lien sécurité-climat est indispensable et ne doit plus être relégué au second plan pour le succès des OP. Le renforcement des coopérations multilatérales au sein du continent et à l’international, l’augmentation des moyens alloués, l’intégration du savoir local et de l’ingénierie favoriseront une véritable réforme des OP qui seront ainsi plus efficientes.
Katongo Seyuba, « Climat, paix et sécurité dans l’est de la République Démocratique du Congo », Stockholm International Peace Research Institute, mars 2025.
Katongo Seyuba, « Climat, paix et sécurité dans l’est de la République Démocratique du Congo », Stockholm International Peace Research Institute, mars 2025.
Dans cette étude du Stockholm International Peace Research Institute, le chercheur Katongo Seyuba met en évidence la façon dont le changement climatique et la dégradation de l’environnement dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) interagissent avec les conflits violents, s’exacerbant mutuellement et aggravant l’insécurité et les problèmes socio-économiques prépondérants dans la région.
Il montre que le changement climatique crée des tensions en exacerbant la concurrence autour de l’accès et de l’utilisation des moyens de subsistance (eau, terres fertiles, ressources forestières) et en augmentant la fréquence d’évènements météorologiques extrêmes qui génèrent des déplacements et donc accentuent la pression sur des ressources déjà limitées. La dégradation de l’environnement permet aussi aux groupes armés d’utiliser les mauvaises conditions de vie comme argument de recrutement, et de prendre le contrôle de l’exploitation des ressources naturelles. Enfin, les élites profitent de l’instabilité pour prendre le contrôle de ressources pour ensuite les utiliser à des fins clientélistes.
L’auteur ajoute que les dimensions de l’âge et du genre jouent un rôle crucial dans l’insécurité climatique. Les femmes assurent des responsabilités traditionnelles (gestion des ménages, agriculture, accès aux ressources critiques) sans pour autant avoir accès aux ressources ni en être propriétaires, et les normes culturelles compliquent leur participation à l’action climatique. Les jeunes sont également très touchés : les inondations, les déplacements et l’action des groupes armés les empêchent d’aller à l’école, ils ont du mal à avoir des sources de revenu et à se nourrir, ce qui pousse un certain nombre de jeunes à se tourner vers les activités illicites, voire à joindre des groupes armés.
Le lien entre changement climatique et conflit est donc façonné par l’interaction entre la gouvernance et l’accessibilité des ressources naturelles, en particulier la terre et l’eau. Dans un contexte déjà fragilisé, les risques sécuritaires liés au climat posent des problèmes à la fois immédiats et à long terme.
L’article présente une série de recommandations visant à intégrer les considérations climatiques et environnementales dans les efforts de consolidation de la paix. Il propose de:
- Soutenir les activités de subsistance résilientes au climat ;
- Sensibiliser aux risques sécuritaires liés au climat, notamment en renforçant les capacités des acteurs locaux à intégrer ces problématiques ;
- Développer une plateforme institutionnelle pour coordonner les activités liées au climat, à la paix et à la sécurité.
Romain Esmenjaud et Sophie Rutenbar, « Renewable Energy and Peace in the Central African Republic: An Opportunity for the United Nations to Lead by Example », Powering Peace Initiative, avril 2025.
Romain Esmenjaud et Sophie Rutenbar, « Renewable Energy and Peace in the Central African Republic: An Opportunity for the United Nations to Lead by Example », Powering Peace Initiative, avril 2025.
Dans ce rapport publié dans le cadre de la Powering Peace Initiative, Romain Esmanjaud, chercheur indépendant et Sophie Rutenbar de l’Université de New-York, s’intéressent au rôle que peut jouer l’accès à l’électricité dans la crise multiniveaux qui touche la République Centrafricaine (RCA) depuis plusieurs années et comment une plus grande utilisation des énergies renouvelables peut aider à traiter les causes profondes du conflits et souligne que c’est une occasion unique pour la communauté internationale de soutenir ces efforts.
L’Accord pour la Paix et la Réconciliation (APPR) de février 2019 démontre que la marginalisation sociale, économique et politique notamment du nord du pays sont des facteurs de conflit. Il est de la plus haute importance de réduire ces inégalités grâce à l’électrification et de ce fait poursuivre son développement, adressant ainsi les causes profondes du conflit.
La Centrafrique étant un des États le moins électrifiés dans le monde, ce contexte particulier engendre un besoin pressant de transitionner vers des énergies renouvelables sur le long terme, ce qui réduirait sa dépendance et accélèrerait son développement. La voie durable est la meilleure solution pour ce pays au potentiel hydroélectrique et solaire fort, pouvant lui permettre de pallier sa dépendance aux ressources pétrolières.
L’accès à l’électricité et la dépendance aux énergies fossiles sont devenus une priorité pour le gouvernement ainsi qu’un des axes de travail de la MINUSCA. En effet, la mission consomme presque un quart de l’électricité du pays alors qu’elle ne représente qu’un demi-pourcent de la population. Le rapport affirme que l’efficacité de la MINUSCA est freinée par sa dépendance à l’énergie fossile et aux groupes électrogènes. Le développement de ressources durables lui permettrait ainsi de ne pas être restreinte par des problèmes d’approvisionnement de fuel.
L’amplitude géographique de la MINUSCA lui confère un statut unique qui pourrait contribuer au déploiement d’infrastructures d’énergies renouvelables dans des zones isolées et défavorisées. De plus cela contribuerait à réduire activement son empreinte carbone et augmenterait le taux d’électrification du pays. Néanmoins, de nombreux défis se posent pour la MINUSCA, tel qu’un manque de ressources humaines et des restrictions budgétaires. La MINUSCA grâce à son impact positif favoriserait ainsi la possibilité d’obtenir des fonds de la part de donateurs internationaux comme les banques de développement y compris pour des zones peu attractives afin de renforcer le processus de pays et les résolutions du gouvernement et de la MINUSCA.
L’article se termine en énonçant des recommandations pour le gouvernement Centrafricain, la MINUSCA et les Nations unies.
Tobias Böhmelt, « When are peacekeepers ‘‘green?’’ », Environment and Security, janvier 2024.
Tobias Böhmelt, « When are peacekeepers ‘‘green?’’ », Environment and Security, 4 janvier 2024.
Dans cet article publié par la revue Environment and Security, Tobias Böhmelt, chercheur à l’université d’Essex, s’intéresse à l’orientation environnementale que peuvent prendre les opérations de paix (OP) des Nations unies dans l’exécution de leur mandat. Il cherche à comprendre quels sont les facteurs qui peuvent expliquer une telle orientation. Il rappelle d’abord que depuis la fin de la Guerre Froide, les OP sont multidimensionnelles et peuvent inclure dans leurs mandats des éléments pas forcément liés à la paix et à la sécurité. Pour l’auteur, l’empreinte environnementale des missions de l’ONU, la lutte contre le changement climatique ou encore la protection de l’environnement peuvent faire partie de ces éléments. Plusieurs OP ont pu ainsi intégrer des orientations environnementales, à l’instar de la MINUSMA qui avait incorporé un plan d’action environnemental « pour observer la gestion des déchets solides et dangereux, de l’énergie, de l’eau, des eaux usées, de la flore et de la faune » ou la MONUSCO dont les mesures politiques faisaient référence à la « protection de l’environnement ». De plus, l’ONU a, depuis les années 2000, développé un cadre normatif important concernant l’impact environnemental des missions de paix et le rôle que ces dernières peuvent jouer pour la protection de l’environnement.
Tobias Böhmelt s’intéresse en particulier à l’orientation environnementale des OP déployées sur le continent africain depuis 1991, puisqu’avant cette date les missions ne prenaient pas en compte les facteurs environnementaux, ou de manière trop secondaire.
Il constate ainsi que les OP onusiennes ont de plus en plus une orientation environnementale, non seulement en termes d’empreinte environnementale de la mission elle-même mais également concernant plus largement la protection de l’environnement du pays hôte. Les résultats de l’article permettent de montrer que les OP semblent être plus à même d’avoir une orientation écologique lorsqu’elles sont déployées dans un espace vulnérable au changement climatique et au stress environnemental.
L’étude réalisée permet de tirer deux conclusions intéressantes et de repérer deux mécanismes, d’abord les OP prennent une orientation écologique parce qu’elles en ont besoin et sont déployées dans un terrain soumis au stress environnemental et ensuite, les OP peuvent aussi adopter une orientation écologique lorsqu’elles comprennent que cela peut favoriser le processus de consolidation de la paix. L’auteur souligne que ces deux mécanismes sont complémentaires et non concurrents.
Emmanuelle Cousin et Daniel Forti, « How Negotiations on Contingent-Owned Equipment Can Help “Green” UN Peacekeeping », The Global Observatory, janvier 2023.
Ingrid Munch Emmanuelle Cousin et Daniel Forti, “How Negotiations on Contingent-Owned Equipment Can Help “Green” UN Peacekeeping”, The Global Observatory, 20 janvier 2023.
Agathe Sarfati, « Toward an Environmental and Climate-Sensitive Approach to Protection in UN Peacekeeping Operations », IPI, octobre 2022.
Agathe Sarfati, “Toward an Environmental and Climate-Sensitive Approach to Protection in UN Peacekeeping Operations”, IPI, 17 Octobre 2022.
Daniel Forti et Emmanuelle Cousin, « Contingent-Owned Equipement and Environmental Considerations in UN Peacekeeping Operations », IPI, septembre 2022.
Daniel Forti et Emmanuelle Cousin, « Contingent-Owned Equipement and Environmental Considerations in UN Peacekeeping Operations ». IPI, 26 September 2022.
- Daniel Forti et Emmanuelle Cousin, « Contingent-Owned Equipement and Environmental Considerations in UN Peacekeeping Operations ». IPI, 26 September 2022. Dans cette publication de l’International Peace Institute, Daniel Forti et Emmanuelle Cousin s’intéressent à l’impact écologique des opérations de paix (OP) de l’ONU et plus particulièrement à celui de l’équipement appartenant aux contingents (contingent-owned equipment). Ils rappellent que les OP de l’ONU sont une des principales sources de l’impact écologique de l’organisation et que de mauvaises pratiques environnementales risquent non seulement d’altérer ou de détériorer les écologies locales, de perturber la vie des populations locales mais aussi de saper la réputation et la légitimité de l’ONU. Les Nations unies connaissent ce risque et ont développé de nombreuses solutions pour réduire cet impact mais les deux auteurs soulignent que les efforts ont été fait avant tout au niveau du secrétariat de l’ONU. Selon eux il faut mettre davantage d’accent sur les efforts à faire du côté des États membres et particulièrement les équipements appartenant aux contingents, ont un impact très important sur l’environnement. Les deux auteurs soulignent ainsi qu’il faut un changement dans la façon dont les États membres abordent la question environnementale concernant les contingents et leur équipement. Ces changements doivent avoir lieu au niveau intergouvernemental d’abord afin de régler les différends existants entre pays contributeurs de troupes et pays contributeurs financiers. Ensuite il faut un changement au niveau national, pour favoriser le déploiement d’équipements écologiques, mais cela pourrait également nécessiter de changer la structure d’incitation financière de l’ONU à cet effet. Enfin, quatre points ont été soulevés dans l’article pour améliorer l’impact écologique des missions de paix : les États membres doivent élargir leur champ d’action au-delà des énergies renouvelables; des ajustements sur le plan national doivent être adoptés; un forum devrait être organisé pour les États membres, dédié au partage des pratiques respectueuses de l’environnement; enfin, l’article appuie sur l’importance de réduire rapidement l’impact écologique des missions de paix au vu de l’urgence climatique à laquelle nous faisons face.